L’examen du projet de loi fin de vie a débuté dans l’hémicycle cette semaine. J’ai porté la parole du groupe socialiste dont je suis membre lors de la discussion générale sur le texte. Je vous invite à retrouver le texte de mon intervention ci-dessous.
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Madame la présidente de la commission spéciale
Mesdames et messieurs les rapporteurs
Chers collègues,
Changer la norme et adapter nos législations est le chemin habituel, que nous
avons l’honneur d’emprunter chaque jour dans cet hémicycle au nom du peuple
français. Chaque jour, nous débattons et votons avec la conviction de définir un
droit vivant qui donne des orientations à la société ou qui, plus modestement et
plus certainement, réponde à ses aspirations profondes.
Il ne s’agit pas pour le législateur de suivre les modes ou de répondre aux
aspirations individuelles mais bien de faire en sorte que le droit traduise les
évolutions les plus profondes et les plus ancrées de la société.
La Représentation nationale a aujourd’hui cette immense responsabilité. Dans
chaque famille, touchée par la douleur, dans les services hospitaliers et finalement
dans chaque conscience qui aspire à la dignité pour lui-même et pour les autres,
les regards sont tournés vers nos travaux. Les attentes sont nombreuses et les
aspiration profondes.
Nous pourrons évidemment redire ici les conclusions de la convention citoyenne,
nous pourrons rappeler à l’envie les sondages qui démontrent l’adhésion massive
des Français à la démarche dont nous débattons, pourtant notre débat doit se
garder de certitudes et de leçons.
Quand on évoque le rapport à la mort, ce qui est certainement le questionnement
le plus intime et le plus personnel, c’est l’humilité, l’écoute et le respect qui
doivent guider notre approche.
Dans une société fracturée, où les tensions sont grandes, toutes les convictions
doivent être respectées et la liberté doit être garantie.
Ma conviction, vous la connaissez, c’est celle exprimée par beaucoup à l’image des
associations comme l’ADMD dont je salue les représentants présents ce soir, celle
de permettre à chacun de choisir une fin de vie libre, digne et choisie.
Nous avons déjà débattu de longues heures déjà en commission et sommes
parvenus à faire progresser le texte, notamment grâce à des amendements du
groupe socialiste.
Nous avons ainsi inscrit l’aide à mourir comme un droit dans le code de la
santé publique
Nous avons également inscrit dans la loi le principe d’une répartition
équitable de l’offre de soins palliatifs renforcée en milieu hospitalier, dans
les epahd, à domicile, dont nous sommes très soucieux et que mon collègue
Jérôme Guedj développera
Nous avons élargi l’accés à l’aide à mourir en remplaçant “pronostic vital
engagé à court et moyen terme”par « phase terminale ou avancée », la notion
de“pronostic vital engagé à court ou moyen terme” jugée particulièrement
floue de l’avis de nombreuses personnes auditionnées.
Cette formulation permettra ainsi de prendre en compte les personnes
atteintes de maladies à évolution lente
Nous avons apporté des garanties à l’intervention d’une personne volontaire
dans l’administration de la substance létale
Comme nous le proposions, un délit d’entrave à l’aide à mourir a été crée
Nous regrettons toutefois vivement un recul apportée par la Présidente de la
commission spéciale, qui a rendu la souffrance physique, seule souffrance
suffisante à justifier une aide à mourir, négligeant alors les souffrances
physiologiques qui pourraient résultées d’une situation de vie dégradée.
Nous abordons cette lecture en séance publique en espérant revenir sur ce recul et
en appelant d’autres avancées de nos voeux comme la suppression de la hiérarchisation entre l’auto-administration et l’administration par un professionnel de santé, car elle implique une hiérarchie
morale, faisant peser sur le patient le poids de sa décision, le livrant à lui-même
alors même que les professionnels de santé devraient lui offrir la possibilité d’être
accompagné jusqu’au bout de sa démarche.
Nous souhaitons l’introduction des directives anticipées dans la prise en compte
de la volonté de la personne afin que la perte de conscience, notamment
soudaine, ne puisse empêcher de suivre la réelle volonté de la personne, et
bloque ou mette fin au processus en cours.
Enfin nous souhaitons la prise en compte de toutes les affections y compris celles
accidentelles afin que les cas comme Vincent Lambert ou Vincent Humbert
trouvent une réponse à travers ce texte
Pour conclure, chers collègues, je veux nous inviter à être à la hauteur des attentes
de notre société. Prenons de la hauteur et restons aussi digne que ce débat
fondamental nous demande de l’être.
N’opposons pas les soins palliatifs et le droit de choisir sa fin, ne laissons pas
penser que cela serait sans condition ou sans contraintes, ne laissons pas penser
que certains feraient le choix de la mort face aux tenants de la vie. Chacun ici
connaît la valeur de la vie. Chacun mesure aussi ce qu’est le prix de douleur, de la
souffrance et de la désespérance et l’aspiration à la dignité et à la liberté.
En pensant aux patients en souffrance qui doivent être au coeur de notre réflexion,
Je suis très fière, avec la quasi unanimité du groupe socialiste, de pouvoir
contribuer à cette avancée majeure qu’est l’ouverture d’un nouveau droit et
espère que le débat sera aussi respectueux et exemplaire que celui qu’ont conduit
les conventionnels.